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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/18

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

n’appartient à notre essence, en sorte que l’homme soit seulement un esprit, et que le corps n’en soit que le véhicule ou le char qui le porte, d’où vient qu’ils définissent l’homme un esprit usant ou se servant du corps[1].

Que si vous répondez que le corps n’est pas absolument exclu de mon essence, mais seulement en tant que précisément je suis une chose qui pense, on pourroit craindre que quelqu’un ne vînt à soupçonner que peut-être là notion ou l’idée que j’ai de moi-même, en tant que je suis une chose qui pense, ne soit pas l’idée ou la notion de quelque être complet, qui soit pleinement et parfaitement conçu, mais seulement celle d’un être incomplet, qui ne soit conçu qu’imparfaitement et avec quelque sorte d’abstraction d’esprit ou restriction de la pensée. D’où il suit que, comme les géomètres conçoivent la ligne comme une longueur sans largeur, et la superficie comme une longueur et largeur sans profondeur, quoiqu’il n’y ait point de longueur sans largeur ni de largeur sans profondeur, peut-être aussi quelqu’un pourroit-il mettre en doute savoir si tout ce qui pense n’est point aussi une chose étendue, mais qui, outre les propriétés qui lui sont communes avec les autres choses étendues, comme d’être mobile, figurable, etc., ait aussi cette

  1. Voyez le premier Alcibiade de Platon.