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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/324

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

l’âme pensoient ? ce qui nous fait croire que leur opinion étoit que la pensée se pouvoit faire par des mouvements corporels, ou que les anges n’étoient eux-mêmes que des mouvements corporels, dont ils ne distinguoient point la pensée : cela se peut aussi confirmer par les pensées qu’ont les singes, les chiens et les autres animaux ; et de vrai les chiens aboient en dormaiit, comme s’ils poursuivoient des lièvres ou des voleurs ; ils savent aussi fort bien en veillant qu’ils courent, et en rêvant qu’ils aboient, quoique nous reconnoissions avec vous qu’il n’y a rien en eux qui soit distingué du corps. Que si vous dites que les chiens ne savent pas qu’ils courent ou qu’ils pensent, outre que vous le dites sans le prouver, peut-être est-il vrai qu’ils font de nous un pareil jugement, à savoir que nous ne savons pas si nous courons ou si nous pensons, lorsque nous faisons l’une ou l’autre de ces actions : car enfin vous ne voyez pas quelle est la façon intérieure d’agir qu’ils ont en eux, non plus qu’ils ne voient pas quelle est la vôtre : et il s’est trouvé autrefois de grands personnages, et s’en trouve encore aujourd’hui, qui ne dénient pas la raison aux bêtes. Et tant s’en faut que nous puissions nous persuader que toutes leurs opérations puissent être suffisamment expliquées par le moyen de la mécanique, sans leur attribuer ni sens, ni âme, ni vie, qu’au contraire nous sommes