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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/331

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

[1] Enfin, le neuvième scrupule nous semble fort pressant, lorsque vous dites qu’il faut se défier des sens, et que la certitude de l’entendement est beaucoup plus grande que la leur : car comment cela pourroit-il être, si l’entendement même n’a point d’autre certitude que celle qu’il emprunte des sens bien disposés ? Et de fait ne voit-on pas qu’il ne peut corriger l’erreur d’aucun de nos sens, si premièrement un autre ne l’a tiré de l’erreur où il étoit lui-même ? Par exemple, un bâton paroît rompu dans l’eau à cause de la réfraction : qui corrigera cette erreur ? Sera-ce l’entendement ? point du tout, mais le sens du toucher. Il en est de même de tous les autres. Et partant si une fois vous pouvez avoir tous vos sens bien disposés, et qui vous rapportent toujours la même chose, tenez pour certain que vous acquerrez par leur moyen la plus grande certitude dont un homme soit naturellement capable ; que si vous vous fiez par trop aux raisonnements de votre esprit, assurez-vous d’être souvent trompé : car il arrive assez ordinairement que notre entendement nous trompe en des choses qu’il avoit tenues pour indubitables.

[2] Voilà en quoi consistent nos principales difficultés : à quoi vous ajouterez aussi quelque règle certaine, et des marques infaillibles suivant les-

  1. Voyez Méditations i et vi, tome i, pages 237 et 322.
  2. Voyez Méditation vi, tome i, page 322.