Aller au contenu

Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

quelles nous puissions connoître avec certitude, quand nous concevons une chose si parfaitement sans l’autre, qu’il soit vrai que l’une soit tellement distincte de l’autre, qu’au moins, par la toute-puissance de Dieu, elles puissent subsister séparément : c’est-à-dire, en un mot, que vous nous enseigniez comment nous pouvons clairement, distinctement, et certainement connoître que cette distinction que notre entendement forme ne prend point son fondement dans notre esprit, mais dans les choses mêmes. Car lorsque nous contemplons l’immensité de Dieu sans penser à sa justice, ou que nous faisons réflexion sur son existence sans penser au Fils ou au Saint-Esprit, ne concevons-nous pas parfaitement cette existence, ou Dieu même existant, sans ces deux autres personnes, qu’un infidèle peut avec autant de raison nier de la divinité, que vous en avez de dénier au corps l’esprit ou la pensée. Tout ainsi donc que celui-là concluroit mal qui diroit que le Fils et que le Saint-Esprit sont essentiellement distingués du Père, ou qu’ils peuvent être séparés de lui ; de même on ne vous concédera jamais que la pensée, ou plutôt que l’esprit humain soit réellement distingué du corps, quoique vous conceviez clairement l’un sans l’autre, et que vous puissiez nier l’un de l’autre, et même que vous reconnoissiez que cela ne se fait point par aucune abstraction de votre esprit. Mais