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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/58

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

quoi nous serons obligés de conclure que nous ne connoissons en effet en elles aucun autre principe de mouvement que la seule disposition des organes et la continuelle affluence des esprits animaux produits par la chaleur du cœur, qui atténue et subtilise le sang ; et ensemble nous reconnoîtrons que rien ne nous a ci-devant donné occasion de leur en attribuer un autre, sinon que, ne distinguant pas ces deux principes du mouvement, et voyant que l’un, qui dépend seulement des esprits animaux et des organes, est dans les bêtes aussi bien que dans nous, nous avons cru inconsidérément que l’autre, qui dépend de l’esprit et de la pensée, étoit aussi en elles. Et certes, lorsque nous nous sommes persuadés quelque chose dès notre jeunesse, et que notre opinion s’est fortifiée par le temps, quelques raisons qu’on emploie par après pour nous en faire voir la fausseté, ou plutôt quelque fausseté que nous remarquions en elle, il est néanmoins très difficile de l’ôter entièrement de notre créance, si nous ne les repassons souvent en notre esprit et ne nous accoutumons ainsi à déraciner peu à peu ce que l’habitude à croire plutôt que la raison avoit profondément gravé en notre esprit.