Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/223

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mais nous ne serons mathématiciens, encore bien que nous sachions par cœur toutes les démonstrations des autres, si nous ne sommes pas capables de résoudre par nous-mêmes toute espèce de pro­blème. De même, eussions-nous lu tous les raison­nements de Platon et d’Aristote, nous n’en serons pas plus philosophes, si nous ne pouvons porter sur une question quelconque un jugement solide. Nous paraîtrions en effet avoir appris non une science, mais de l’histoire.

Prenons garde en outre de jamais mêler aucune conjecture à nos jugements sur la vérité des choses.

Cette remarque est d’une grande importance ; et si dans la philosophie vulgaire on ne trouve rien de si évident et de si certain qui ne donne matière à quelque controverse, peut-être la meilleure raison en est-elle que les savants, non contents de reconnoître les choses claires et certaines, ont osé af­firmer des choses obscures et inconnues qu’ils n’atteignoient qu’à l’aide de conjectures et de pro­babilités ; puis, y ajoutant successivement eux-mêmes une entière croyance, et les mêlant sans discernement aux choses vraies et évidentes, ils n’ont pu rien conclure qui ne parût dériver plus ou moins de quelqu’une de ces propositions incer­taines, et qui partant ne fût incertain.

Mais, pour ne pas tomber dans la même erreur, rapportons ici les moyens par lesquels notre en-