Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/224

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tendement peut s’élever à la connoissance sans crainte de se tromper. Or il en existe deux, l’in­tuition et la déduction. Par intuition j’entends non le témoignage variable des sens, ni le jugement trompeur de l’imagination naturellement désor­donnée, mais la conception d’un esprit attentif, si distincte et si claire qu’il ne lui reste aucun doute sur ce qu’il comprend ; ou, ce qui revient au même, la conception évidente d’un esprit sain et attentif, conception qui naît de la seule lumière de la raison, et est plus sûre parcequ’elle est plus sim­ple que la déduction elle-même, qui cependant, comme je l’ai dit plus haut, ne peut manquer d’être bien faite par l’homme. C’est ainsi que chacun peut voir intuitivement qu’il existe, qu’il pense, qu’un triangle est terminé par trois lignes, ni plus ni moins, qu’un globe n’a qu’une surface, et tant d’autres choses qui sont en plus grand nombre qu’on ne le pense communément, parcequ’on dédaigne de faire attention à des choses si faciles.

Mais de peur qu’on ne soit troublé par l’emploi nouveau du mot intuition, et de quelques autres que dans la suite je serai obligé d’employer dans un sens détourné de l’acception vulgaire, je veux avertir ici en général que je m’inquiète peu du sens que dans ces derniers temps l’école a donné aux mots ; il seroit très difficile en effet de se servir des mêmes termes, pour représenter des idées