Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/246

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min qu’on a fait. Aussi disons-nous qu’il faut suppléer à la faculté de la mémoire par un exercice continuel de la pensée. Si, par exemple, après di­verses opérations, je trouve quel est le rapport entre les grandeurs A et B, ensuite entre B et C, puis entre C et D, enfin entre D et E, je ne vois pas pour cela le rapport des grandeurs A et E, et je ne puis le conclure avec précision des rapports connus, si ma mémoire ne me les représente tous. Aussi j’en parcourrai la suite de manière que l’ima­gination à la fois en voie une et passe à une autre, jusqu’à ce que je puisse aller de la première à la dernière avec une telle rapidité que, presque sans le secours de la mémoire, je saisisse l’ensemble d’un coup d’œil. Cette méthode, tout en soula­geant la mémoire, corrige la lenteur de l’esprit et lui donne de l’étendue.

J’ajoute que la marche de l’esprit ne doit pas être interrompue ; souvent, en effet, ceux qui cher­chent à tirer de principes éloignés des conclusions trop rapides, ne peuvent pas suivre avec tant de soin la chaîne des déductions intermédiaires qu’il ne leur en échappe quelqu’une. Et cependant, dès qu’une conséquence, fût-elle la moins importante de toutes, a été oubliée, la chaîne est rompue, et la certitude de la conclusion ébranlée.

Je dis de plus que la science a besoin pour être complète de l’énumération. En effet, les autres