Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/364

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but, qui étoit de renverser votre science, en vous en montrant l’incertitude. Mais, de crainte que vous ne refusiez de me suivre plus loin, je vous déclare que ces doutes, qui en commençant vous ont fait peur, sont comme ces fantômes et ces vaines images qui paroissent dans la nuit à la lueur incertaine d’une foible lumière. La peur vous poursuit si vous les fuyez, mais approchez-en, touchez-les, vous ne trouverez que du vent, qu’une ombre, et vous serez rassuré pour toujours.

Polyandre. Soit : je désire donc, vaincu par vos raisons, me représenter toutes ces difficultés, dans leur plus grande force possible, et m’appliquer à douter si par hasard je n’ai pas été toute ma vie en délire, si même toutes ces idées que je croyois entrées dans mon esprit, pour ainsi dire, par la porte des sens, ne pourraient pas s’être formées d’elles-mêmes, tout comme se forment de semblables idées quand je dors, ou que j’ai la certitude que mes yeux sont fermés, mes oreilles bouchées, en un mot qu’aucun de mes sens n’y est pour rien. De cette façon je douterai non seulement si vous êtes dans le monde, s’il existe une terre, s’il est un soleil, mais encore si j’ai des yeux, des oreilles, un corps, si même je parle avec vous, si vous m’adressez la parole, en un mot je douterai de toutes choses.

Eudoxe. Vous voilà très bien préparé, et c’est