Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là que je voulois vous amener ; mais voici le moment de prêter votre attention aux conséquences que j’en veux tirer. Vous voyez bien que vous pouvez raisonnablement douter de toutes les choses dont la connoissance ne vous parvient que par les sens ; mais pouvez-vous douter de votre doute, et rester incertain si vous doutez ou non ?

Polyandre. J’avoue que cela m’étonne, et ce peu de perspicacité que me donne un assez mince bon sens fait que je ne me vois pas sans stupeur forcé à avouer que je ne sais rien avec certitude, mais que je doute de tout, et que je ne suis certain d’aucune chose. Mais qu’en voulez-vous conclure ? Je ne vois pas à quoi peut servir cet étonnement universel, ni par quelle raison un doute de cette espèce peut être un principe qu’il nous faille déduire de si loin. Bien au contraire vous avez donné pour but à cet entretien de nous débarrasser de nos doutes, et de nous apprendre à trouver des vérités qu’Épistémon, tout savant qu’il est, pourroit bien ignorer.

Eudoxe. Prêtez-moi seulement votre attention ; je vais vous conduire plus loin que vous ne pensez. En effet, c’est de ce doute universel que, comme d’un point fixe et immuable, j’ai résolu de dériver la connoissance de Dieu, de vous-même, et de tout ce que renferme le monde.