Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/377

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pour vous encourager, et vous faire examiner ce que peut faire le bon sens, pourvu qu’il soit bien dirigé. En effet, dans tout ceci y a-t-il rien qui ne soit exact, qui ne soit légitimement conclu, ni bien déduit de ce qui précède ? Or, tout cela se dit et se fait sans logique, sans règle, sans formule d’argumentation, avec la seule lumière de la raison et avec un sens droit, qui, agissant seul et par lui-même, est moins exposé à l’erreur que quand il cherche avec inquiétude à suivre mille routes diverses, que l’art et la paresse humaine ont trouvées, moins pour le perfectionner que pour le corrompre. Épistémon même paroit ici de notre avis ; en effet, en ne disant rien, il donne à entendre qu’il approuve ce que nous avons dit. Continuez donc, Polyandre, et montrez-lui jusqu’où le bon sens peut aller, et en même temps quelles conséquences on peut déduire de notre principe.

Polyandre. De tous les attributs que je m’étois donnés, il n’en reste plus qu’un à examiner, c’est la pensée ; et je vois que c’est le seul que je ne puisse séparer de moi-même. Car s’il est vrai que je doute, ce dont je ne puis douter, il est également vrai que je pense ; car qu’est-ce que douter, si ce n’est penser d’une certaine manière ? et de fait, si je ne pensois pas, je ne pourrais savoir si je doute, ni si j’existe. Je suis cependant, et je sais que je suis, et je le sais parce que je doute,