Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trage ; et aussitôt qu’il vous donnera les mains, je vous promets de m’avouer vaincu. Mais il faut qu’il se garde de se laisser tromper et de tomber dans l’erreur qu’il reproche aux autres, c’est-à-dire de prendre pour un motif de persuasion l’estime qu’il a conçue pour vous.

Eudoxe. S’il venoit à s’appuyer sur un si foible fondement, il entendrait mal ses intérêts, et je promets qu’il y prendra garde. Mais revenons à notre sujet. Je suis bien de votre avis, Épistémon, qu’il faut savoir ce que c’est que le doute, ce que c’est que la pensée, avant d’être pleinement convaincu de la vérité de ce raisonnement, Je doute, donc je suis ou, ce qui revient au même, Je pense, donc je suis. Mais n’allez pas vous imaginer qu’il faille, pour le savoir, faire violence à notre esprit, et le mettre à la torture pour connoitre le genre le plus proche, et la différence essentielle et en composer une définition en règle. Il faut laisser tout cela à celui qui veut faire le professeur, ou disputer dans les écoles. Mais quiconque veut examiner les choses par lui-même, et en juger selon qu’il les conçoit, ne peut être assez privé d’esprit pour ne pas voir clairement, toutes les fois qu’il voudra y faire attention, ce que c’est que le doute, la pensée, l’existence, et pour avoir besoin d’en apprendre les distinctions. En outre, il est des choses que nous rendons plus obscures, en voulant les