Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/384

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faire connoitre le doute et en même temps la certitude, de telle sorte que je puis affirmer qu’aussitôt que j’ai commencé à douter, j’ai commencé à connoître avec certitude ; mais mon doute et ma certitude ne se rapportaient pas aux mêmes objets : mon doute ne regardoit que les choses qui existoient hors de moi, ma certitude regardoit moi et mon doute. Eudoxe disoit donc vrai quand il avançoit qu’il est des choses que nous ne pouvons apprendre sans les voir ; de même, pour apprendre ce qu’est le doute, ce qu’est la pensée, il ne faut que penser et douter soi-même. Il en est ainsi de l’existence : il ne faut que savoir ce qu’on entend par ce mot ; on sait tout aussitôt ce que c’est, autant du moins qu’on peut le savoir, et il n’est pas ici besoin d’une définition qui embrouilleroit plutôt qu’elle n’éclairciroit la chose.

Épistemon. Puisque Polyandre est content, je donne aussi mon assentiment, et je ne pousserai pas la dispute plus loin. Cependant je ne vois pas que depuis deux heures que nous sommes ici et que nous raisonnons, il ait beaucoup avancé. Tout ce que Polyandre a appris à l’aide de cette belle méthode que vous vantez tant, consiste tout simplement en ce qu’il doute, en ce qu’il pense, et en ce qu’il est quelque chose de pensant. Belle connoissance, en vérité ! Voilà bien des paroles pour peu de choses ! on eût pu en dire autant en