Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/383

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pour connoître ce qu’est le doute et ce qu’est la pensée, il faut seulement douter et penser. Cela nous apprend tout ce que nous pouvons en savoir, et nous en dit plus que les définitions même les plus exactes. Il est donc vrai que Polyandre a dû connoître ces choses avant de pouvoir tirer les conclusions qu’il a avancées ; mais, puisque nous l’avons choisi pour juge, demandons-lui s’il a jamais ignoré ce que c’est.

Polyandre. Certes j’avoue que c’est avec le plus grand plaisir que je vous ai entendu discuter sur une chose que vous n’avez pu savoir que de moi, et ce n’est pas sans quelque joie que je vois, du moins en cette occasion, qu’il faut, moi, me reconnoître pour votre maître, et vous, vous reconnoitre pour mes disciples. Aussi, pour vous ôter tous deux de peine, et résoudre promptement votre difficulté (on dit en effet d’une chose qu’elle est promptement faite lorsqu’elle arrive avant d’être espérée et attendue), je puis affirmer pour certain que je n’ai jamais douté de ce qu’est le doute, quoique je n’aie commencé à le connoître, ou plutôt à y penser, qu’au moment où Épistémon a voulu le mettre en doute. Vous ne m’avez pas plus tôt montré le peu de certitude que nous avons de l’existence des choses qui ne nous sont connues que par le témoignage des sens, que j’ai commencé d’en douter, et cela m’a suffi pour me