entrée de la jeune héritière dans la capitale du duché qui devait lui revenir. A cette solennité se rattachait, selon l’usage, la mise en liberté des prisonniers. Cette fois, c’est Villon lui-même qui nous renseigne sur cet événement providentiel dans son épître à Marie d’Orléans. En termes dithyrambiques, il célèbre la naissance de la jeune princesse « conçue en l’amour et crainte de Dieu », et née pour donner « issue aux enclos », et « délier leurs liens et leurs fers ». Aussi atteste-t-il devant Dieu que, sans la naissance de cette enfant, il eût été « créature morte ». Et, après l’avoir comparée à Cassandre, Écho, Judith, Lucrèce, Didon, il conclut que son plus cher espoir était de pouvoir la servir avant qu’il meure, et il signe : « Vostre pauvre escolier François[1]. » Villon est libre : on ignore l’emploi de son temps, mais on peut assurer qu’il en fit un détestable usage ; car on le retrouve l’été suivant à Meun-sur-Loire, dans les prisons de Thibault d’Auxigny, évêque d’Orléans. Le poète est enferré, au fond d’un cul de basse-fosse, au pain et à l’eau, et attend la mort dans cette même prison où Nicolas d’Orgemont, l’amant de la belle Heaumière, avait si mystérieusement succombé[2]. Villon a déversé sur l’évêque Thibault d’Auxigny toute la rancune qu’il avait amassée en lui, en ces jours terribles. On ne saurait s’en étonner ; mais ce qui a lieu de surprendre c’est de voir dans ce faible corps émacié par les privations et les
- ↑ Poés. div., IX, 132.
- ↑ Le missel dont il se servait habituellement avant son arrestation est conservé à la Bibliothèque Mazarine sous le n° 408 (vélin, vi-270 ff. à 2 col., grand in-4o, fin du xive s.). Une note d’une main du xve siècle porte au verso du feuillet de garde, en haut, à droite : « Ce messel est de l’église de Paris, a cause des biens feu maistre Nicole d’Orgemont, chanoine d’icelle eglise a son vivant. — (Signé) N. Sellarii. » L’inspection de ce manuscrit ne donne lieu à aucune remarque rétrospective.