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Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/14

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cœur, elle nous adore telle que nous étions alors sous ces premiers traits d’un développement aimable et pudique. Ce nous-même d’autrefois, qui souvent, hélas ! n’est plus actuellement en nous, subsiste en elle et vit comme un ange de Fra-Bartolommeo peint sur l’autel dans l’oratoire.

Hégésippe Moreau a eu ce bonheur au milieu de toutes ses infortunes, et aujourd’hui, si l’on interroge sur le compte du poëte celle qu’il appelait alors sa sœur, elle répond en nous montrant au fond de son souvenir ce Moreau de seize ans, « de l’âme la plus délicate et la plus noble, d’une sensibilité exquise, ayant des larmes pour toutes les émotions pieuses et pures. »

Je prends plaisir à marquer ces premiers traits, parce que ceux qui ont le plus loué Moreau à l’heure de sa mort en ont fait un poëte de guerre, de haine et de colère. Il l’était trop devenu en effet, mais il ne l’était point d’abord ni aussi essentiellement qu’on le voudrait dire. Étendu sur son lit de mort à l’hospice de la Charité, le caractère qui était le plus empreint sur sa face, me dit une personne qui ne l’a vu que ce jour-là, était une remarquable douceur.

En parlant ici d’Hégésippe Moreau, je ne viens faire, on peut le croire, le procès ni à la société ni aux poëtes. Les poëtes sont une race à part, une race des plus