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Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/239

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Emporté, j’ai suivi les pas des faux prophètes.
Complice des docteurs et des pharisiens,
J’ai blasphémé le Christ, persécuté les siens.
Quand l’émeute aux bras nus, pour la traîner au fleuve,
Arrachant une croix à la coupole veuve,
Insultait, blasphémait Dieu gisant sur le sol,
De loin sur les manteaux je veillais comme Saul.
Mais de vagues remords assailli de bonne heure :
Où puiser, ai-je dit, la paix intérieure ?
Où marcher dans la nuit sans étoiles aux cieux,
Et sans guide ici-bas ? Enfants insoucieux,
Les uns, pour ne rien voir des hommes ni des choses,
Abaissent sur leur front leurs couronnes de roses ;
D’autres, en proclamant l’idole liberté,
Sous le glaive légal tombent avec fierté,
Et promettent, mourants, de leurs voix fatidique,
Au Teutatès moderne un culte druidique ;
Où, soufflant la terreur sur l’Église et l’État,
Tonnent, bruyants échos, autour de l’apostat,
Qui, disciple du Christ, au front sanglant du maître
Posa le bonnet rouge, avec ses mains de prêtre.
Combien de jeunes cœurs que le doute rongea !
Combien de jeunes fronts qu’il sillonne déjà !
Le doute aussi m’accable, hélas ! et j’y succombe :
Mon âme fatiguée est comme la colombe