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Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/277

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LA SOURIS BLANCHE


Il y avait une fois, ma sœur, un vilain roi de France, nommé Louis XI, et un gentil dauphin, qu’on appelait Charlot, en attendant qu’il s’appelât Charles VIII. D’ordinaire, le vieux roi, superstitieux et malade, régnait, tremblait et souffrait, invisible, à l’ombre des épaisses murailles de son château du Plessis-lès-Tours. Mais, vers le milieu de l’année 1483, il venait de se traîner en pèlerinage à Notre-Dame de Cléry, soutenu par Tristan-l’Hermite, son bourreau, Coictier, son médecin, et François de Paule, son confesseur ; car il avait grand’ peur, le vieux tyran, des hommes, de la mort et de Dieu. Un souvenir de sang, entre mille, celui de la mort de Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, tourmentait son agonie. Ce grand vassal avait jadis payé de sa tête une tentative de rébellion contre son suzerain. Jusque là c’était justice ; mais le cruel vainqueur avait forcé les trois jeunes enfants du condamné d’assister au supplice de leur père, et depuis longtemps il se repentait devant Dieu de ce luxe de vengeance ; il se repentait, dis-je, et pourtant il ne s’amendait pas. Par une inconséquence étrange, mais commune à bien des méchants, le remords chez lui n’éveillait pas la pitié, et, dans le moment même où il plaçait en tremblant sa Madone entre