voir dans la lune si la raison du bon docteur n’aurait pas suivi ce matin, après boire, le même chemin que celle de feu Roland… »
Et mille innocentes saillies, mille coquets enfantillages dont tous ces bons marins riaient de si grand cœur et si longtemps que leurs grosses pipes s’éteignaient oisives entre leurs mains.
Mais celui de tous qui semblait se réjouir le plus du triomphe de l’aimable enfant était un vieux matelot breton nommé Pierre Hello, ayant moins de rides que de blessures, qui ce jour-là même avait reçu une médaille d’honneur, tardive récompense de ses longs services ! et qu’à cette considération le capitaine venait d’admettre à sa table, au repas présidé par les deux dames créoles, ses parentes. Marie -Rose, ainsi se nommait la jeune fille, s’était émerveillée depuis longtemps au récit des belles actions de Pierre Hello. Elle l’avait complimenté, caressé, et le cœur du rude vieillard, neuf encore à de pareilles émotions, avait palpité, sous ces caresses d’enfant, aussi fort qu’à la réception de sa médaille d’honneur. C’était lui seul qui la servait ; c’était encore, ou peu s’en faut, lui seul qui veillait sur elle ; car la tante de Marie-Rose, bonne vieille clouée sur sa chaise par la goutte, passait tout le jour absorbée dans la lecture de saint Augustin, ne l’interrompant par intervalles que pour dire : « Ici, Minette ! ici, Marie-Rose ! » quand elle voyait son chat courir dans la cale après une souris, ou sa nièce sur le pont après un rayon de soleil. Mais élevée, comme la plupart des filles de colons, dans la plus large indépendance, Marie-Rose n’écoutait pas ou feignait de ne pas entendre. Tantôt elle montait aux échelles et se balançait aux cordages, et alors Pierre Hello la regardait