d’en-bas, prêt, si elle tombait sur le pont, à la recevoir dans ses larges mains, comme il eût reçu un oiseau que la fatigue abat, ou à la repêcher à la nage si le vent l’eût jetée à la mer. Tantôt elle amusait l’équipage oisif par ses chansons et par ses danses, et alors Pierre Hello, attentif, semblait avoir trouvé tout à coup de l’intelligence pour comprendre les vers, et du goût pour sentir la grâce.
Le lendemain de l’Épiphanie et de sa courte royauté, l’aimable enfant parut triste et pensive, et le vieux loup de mer se posa devant elle, inquiet et silencieux comme un caniche qui voit pleurer son maître. Elle ne put s’empêcher de répondre par une confidence à ce regard compatissant et interrogateur. Une vieille négresse marronne, qui passait pour sorcière, et à qui Marie-Rose portait en cachette du pain dans les bois, lui avait fait une prédiction étrange qui la préoccupait, et dont elle avait retenu les paroles textuelles :
« Bonne petite maîtresse, moi avoir vu dans la nue grand condor monter bien haut, bien haut, avec rose dans son bec… Toi, être Rose… Toi, bien malheureuse ; puis toi reine ; puis grande tempête, et toi mourir ».
« J’ai été reine hier, ajouta-t-elle, et je n’attends plus maintenant que la tempête qui doit m’emporter…
— N’ayez pas peur, mademoiselle, répondit Hello, s’il arrivait malheur au Héron, vous n’auriez qu’à saisir le pan de ma ceinture… là… comme ceci, et, avec l’aide de Dieu et de mon patron (un grand saint, voyez-vous ! car il marchait sur l’eau sans enfoncer, ce qui, foi de marin, est un bien beau miracle !), vous aborderiez aussi doucement à terre qu’une goëlette remorquée par un trois-mâts ».
Marie-Rose, un peu rassurée, paya le dévouement du brave homme en