ironique les sottes observations qui pleuvaient autour de nous. J’épiais l’occasion de lui adresser la parole : elle ne se fit pas attendre. Son sac, qu’elle avait ouvert, m’avait laissé voir entre un rouleau de papier et un in-octavo, trois petites pommes de reinette. Un mouvement de l’inconnue me fit croire qu’elle voulait, elle aussi, payer son tribut au vorace animal : « Prenez garde, lui dis-je ; une dame, dimanche dernier, avançait étourdiment comme vous le bras où pendait son sac pour offrir un échaudé à l’éléphant, et ce gastronome peu délicat, happa et engloutit du même coup le sac et l’échaudé ; prenez garde ! » - Encouragé par un sourire de ma voisine, je poursuivis : « Tenez, lui dis-je, c’est ainsi qu’il faut s’y prendre ». Et, saisissant une des pommes entre le pouce et l’index, je l’offris à l’animal. Il l’avala de si bonne grâce que je pris à l’instant la seconde qui disparut comme sa sœur. J’aurais fait suivre le même chemin à la dernière, si la main que j’étendais n’eût plongé dans le vide : la jolie promeneuse avait disparu.
Je m’éloignais, soucieux et marchant au hasard, lorsqu’au détour d’un sentier solitaire, j’aperçus l’objet de ma préoccupation. Assise sur un banc de pierre, la dame aux pommes de reinette en croquait à belles dents la dernière, sans la peler, et, tout en mangeant, parcourait des yeux et de la main les pages du livre déployé sur ses genoux. Je m’arrêtai à quelques pas, pétrifié de surprise et de confusion. Hélas ! je le comprenais enfin, mais trop tard, ce n’était point à l’éléphant qu’était destiné ce plat de dessert, et, dans ma gauche courtoisie, j’avais volé à la dame de mes pensées les deux tiers de son déjeuner. Que faire ? c’eût été ajouter à la sottise et à