espiègle et turbulent, mais bon et sensible, et gentil, gentil !… qu’on se tenait à quatre en le voyant pour ne pas manger de caresses ses petites joues plus fraîches et plus vermeilles que les pêches de sa tante. Mais le père Lazare grondait toujours. — « Six ans ! — répétait-il, — et ne pas savoir écumer le pot ! je ne pourrai jamais rien faire de cet enfant-là ! »
Le père Lazare, voyez-vous, était un de ces cuisiniers renforcés et fanatiques, qui regardent leur métier comme le premier de tous, comme un art, comme un culte, dont la main est posée fièrement sur un couteau de cuisine comme celle d’un pacha sur son yatagan ; qui dépouille une oie avec l’air solennel d’un hiérophante consultant les entrailles sacrées, battent une omelette avec la majesté de Xerxès fouettant la mer ; qui blanchissent sous l’inamovible bonnet de coton, et tiendraient volontiers, en mourant, la queue d’une poêle, comme les Indiens dévots tiennent, dit-on, la queue d’une vache.
Il n’y a plus de ces hommes-là.
Quant à Marthe la fruitière, c’était une bonne et simple créature, si bonne qu’elle en était… non pas bête, comme on le dit ordinairement, mais, au contraire, spirituelle. Oui, elle trouvait parfois dans son cœur des façons de parler touchantes et passionnées, que M. de Voltaire lui-même, le grand homme d’alors, n’eût jamais trouvées sous sa perruque.
Il y a encore de ces femmes-là.
« Frère, — dit-elle, émue et pleurant presque de voir pleurer son petit Lazare, — vous savez, ce grand bahut que vous trouviez si commode pour serrer la vaisselle, et que j’ai refusé de vous vendre ? je vous le céderai maintenant si vous le voulez.
— J’en donne encore dix livres, comme avant.