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Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/321

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— Frère, j’en veux davantage.

— Allons, dix livres dix sous, et n’en parlons plus.

— Oh ! j’en exige plus encore. C’est un trésor que je veux ! »

Le père Lazare regarda sa sœur fixement comme pour voir si elle n’était pas folle.

« Oui, poursuivit-elle, — je veux mon petit Lazare chez moi, et pour moi toute seule. Dès ce soir, si vous y consentez, le bahut est à vous, et j’emmène le petit à Montreuil ».

Le frère de Marthe fit bien quelques difficultés, car au fond il était bon homme et bon père ; mais l’enfant en litige lui faisait faire, suivant son expression, tant de mauvais sang et de mauvaises sauces !… les instances de Marthe étaient si vives… et, d’un autre côté, le bahut en question était si commode pour serrer la vaisselle !….. enfin, il céda.

« Viens, mon enfant ; viens, — disait Marthe, en entraînant le petit Lazare vers sa carriole, — tu seras mieux chez moi, au milieu de mes pommes d’api, que tu manges avec tant de plaisir, que dans la société des oies rôties de ton père. Pauvre enfant ! tu aurais péri dans cette fumée… Vois plutôt, — ajouta-t-elle avec une naïve épouvante, — mon bouquet de violettes, si frais tout à l’heure, est déjà fané ! Oh ! viens et marchons vite : si ton père allait se dédire et te revouloir ! »

Et elle entraînait sa proie si vite, que les passants l’eussent prise à coup sûr, sans sa mise décente et l’allure libre et gaie de son jeune compagnon, pour une bohémienne voleuse d’enfants.

Le premier soin que prit la bonne tante, après avoir installé son neveu chez elle, fut de lui apprendre elle-même à lire, ce dont le père Lazare ne se fût jamais avisé ; car, tot