Des écoliers barbons, tremblants sous la férule,
Automates mouvants sur la chaise curule,
Bétail que le pouvoir engraisse de ses dons,
Bâillonne d’un frein d’or et sangle de cordons ;
Alors les députés haranguaient les tempêtes,
Ballottaient au scrutin leurs boules et leurs têtes ;
Le bourreau ramassait tous les partis tombants,
La mort à plein sillon fauchait entre les bancs,
Le tocsin dans la Chambre étouffait la sonnette,
Et l’émeute y frappait à coups de baïonnette…
Eh bien ! s’enveloppant d’un héroïsme obscur,
De l’époque sanglante il sortit le front pur ;
Il osa pour Capet armer sa boule blanche,
Au pied de la Montagne affronter l’avalanche,
Et, bravant du malheur le contact dangereux,
Coudoyer sans pâlir les girondins lépreux…
Que sont-ils devenus, ces hommes consulaires ?
Ceux qu’on n’a point jetés aux lions populaires
Ont traîné dans l’exil leurs destins ignorés,
Et la terre d’exil les a tous dévorés.
Si de la France un jour l’idolâtrie avide
Revendiquait leurs os pour le Panthéon vide,
Dans un large sillon, creusé du sud au nord,
Il nous faudrait glaner sur les pas de la Mort,
Et, labourant le sol de chaque cimetière,
Comme une Josaphat fouiller l’Europe entière.
Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/80
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