Il dort, enveloppé dans le manteau du sage.
Nul rayon de faveur sur ses vieux jours n’a lui ;
Les rois (se souvenant !) reculaient devant lui.
Quand juillet s’alluma, du moins on pouvait croire
Qu’il se réchaufferait à ce soleil de gloire,
Qu’une langue de feu l’irait chercher ; mais non :
Rien aux puissants du jour ne révéla son nom,
Et seule, quand il pleut tant de croix dans l’ornière,
La rose de Provins brille à sa boutonnière.
Que dis-je ? son pays renia ses travaux ;
Il lui fallut subir d’ironiques bravos,
L’outrage médité, l’insulte irréfléchie,
Essuyer des crachats sur sa barbe blanchie,
Et passer, sous les yeux des pharisiens jaloux,
Vêtu, comme le Christ, de la robe des fous.
Il dut se rappeler, dans ces jours d’amertume,
Que de vieillards, sans foi dans leur gloire posthume,
De l’âge et du malheur ont cumulé le faix,
Et recueilli l’injure en semant des bienfaits :
Dante a bu lentement une agonie amère,
Et des chiens ont bavé sur les haillons d’Homère !
Dors en paix maintenant, Nestor des Provinois,
Je veille à ton repos, comme l’enfant chinois,
Dont l’éventail défend la tête paternelle
Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/82
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