Du moucheron qui peut l’effleurer de son aile ;
Je ne trafique pas d’un hommage vendu :
Mon luth aux lambris d’or ne fut jamais pendu :
Mais si, montrant du doigt le front nu d’Élysée.
On l’insultait encor d’une lâche risée,
Oh ! mon vers gronderait, semblable à l’ours vengeur
Qui, s’élançant des bois vers le saint voyageur,
Dispersa, déchira son escorte insolente,
Et lui lécha les pieds de sa gueule sanglante…
Je ne te connais pas ; des accents de ta voix
Mon oreille est encor vierge ; mais que de fois,
Dans la bruyante rue ou dans la solitude,
J’ai suivi ton pas lent avec sollicitude !
J’aurais voulu pour toi ramollir le chemin ;
Et ma main s’égarait, prête à saisir ta main ;
J’épiais sur ta bouche un sourire prospère,
Et la mienne s’ouvrait pour te dire : Mon père…
Et puis, je veux semer afin de recueillir :
Moi, fiévreux de jeunesse, il me faudra vieillir ;
L’huile, un jour, doit manquer à ma veille assidue ;
Le vent emportera ma parole perdue ;
Mais quand, désenchanté de mes rêves d’enfant,
L’oubli m’aura couvert d’un linceul étouffant ;
Quand mes concitoyens, en me voyant paraître,
Se diront : Quel est-il ? et passeront ; peut-être
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