Relancer et traquer l’insolent qui vous juge.
Comme un épouvantail dressez-vous devant moi !
Je suis plus fort que vous, c’est pour vous qu’est l’effroi.
Qu’importe qu’on m’enlève une presse, qu’importe
Que l’hospitalité ferme sur moi sa porte ;
Qu’importe, pour s’asseoir, au poëte rêvant,
La chaise du foyer ou la borne en plein vent !
Quand il se frotte au peuple, un contact électrique
Fait jaillir de son sein la flamme satirique.
Je ne m’inspire pas sur des coussins moelleux,
Je tiens mal une plume entre mes doigts calleux ;
Je n’écris pas, je chante, et, Minerve nouvelle,
Ma satire s’élance en bloc de ma cervelle.
Qu’on m’enchaîne, ma voix est libre, c’est assez ;
Oui, tant qu’on n’osera, comme aux siècles passés,
Par le fer et la flamme étouffer le blasphème,
Il faudra qu’on m’entende ; et, dussé-je moi-même
Quêter des auditeurs, comme ces troubadours
Dont l’orgue savoyard nasille aux carrefours,
J’ameuterai le peuple à mes vérités crues,
Je prophétiserai sur le trépied des rues…
Chaque mur, placardé d’un vers républicain,
Sera pour mes lazzis le socle de Pasquin.
Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/89
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