Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/71

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Tout entier aux regrets de sa perte fatale,
Orphée erra longtemps sur la rive infernale.
Sa voix du nom chéri remplit ces lieux déserts.
Il repoussait du chant la douceur et les charmes ;
Mais, sans qu’il la touchât, sa lyre, sous ses larmes,
Rendait un son plaintif qui mourait dans les airs.

Enfin, las d’y gémir, il quitta ce rivage
Témoin de son malheur. Dans la Thrace sauvage
Il s’arrête ; et là, seul, secouant la torpeur
Où le désespoir sombre endormait son génie,
Il laissa s’échapper sa tristesse infinie
En de navrants accords arrachés à son cœur.

Ce fut le premier chant de la douleur humaine
Que ce cri d’un époux et que sa plainte vaine ;
La parole et la lyre étaient des dons récents.
Alors la poésie émue et colorée
Voltigeait sans effort sur la lèvre inspirée,
Dans la grâce et l’ampleur de ses jeunes accents.

Des sons harmonieux telle fut la puissance
Qu’elle adoucit bientôt cette amère souffrance,
Un sanglot moins profond sort de ce sein brisé :
La Muse d’un sourire a calmé le poète ;