Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/117

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Que le barbare ſoin de prolonger ſa vie :
Accablé des malheurs qu’il éprouve aujourd’hui,
Le laiſſer vivre encor, c’eſt ſe venger de lui.

A T R É E.

Que je l’épargne, moi ! Laſſé de le pourſuivre,
Pour me venger de lui, que je le laiſſe vivre !
Ah ! Quels que ſoient les maux que Thyeſte ait ſoufferts,
Il n’aura contre moi d’aſile qu’aux enfers :
Mon implacable cœur l’y pourſuivrait encore,
S’il pouvait s’y venger d’un traître que j’abhorre :
Après l’indigne affront que m’a fait ſon amour
Je ſerai ſans honneur tant qu’il verra le jour.
Un ennemi qui peut pardonner une offenſe,
Ou manque de courage, ou manque de puiſſance.
Rien ne peut arrêter mes tranſports furieux :
Je voudrais me venger, fût-ce même des dieux.
Du plus puiſſant de tous j’ai reçu la naiſſance ;
Je le ſens au plaiſir que me fait la vengeance :
Enfin mon cœur ſe plaît dans cette inimitié ;
Et s’il a des vertus, ce n’eſt pas la pitié.
Ne m’oppoſe donc plus un ſang que je déteſte ;
Ma raiſon m’abandonne au ſeul nom de Thyeſte :
Inſtruit par ſes fureurs à ne rien ménager,
Dans les flots de ſon ſang je voudrais le plonger.
Qu’il n’accuſe que lui du malheur qui l’accable.