Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/120

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Heureux ſi le poiſon qui ſervit ma fureur
De mon indigne amour eût étouffé l’ardeur !
Celui de l’infidèle éclatait pour Thyeſte
Au milieu des horreurs du ſort le plus funeſte.
Je ne puis, ſans frémir, y penſer aujourd’hui ;
Aerope, en expirant, brûlait encor pour lui.
Voilà ce qu’en un mot ſurprit ma vigilance
À ceux qui de l’ingrate avaient la confidence.

Il lui montre en ce moment une lettre d’Aerope.

Lettre d’Aerope.

D’Atrée en ce moment j’éprouve le courroux,
Cher Thyeſte, & je meurs ſans regretter la vie :
Puiſque je ne l’aimais que pour vivre avec vous,
Je ne murmure point qu’elle me ſoit ravie.
Pliſthène fut le fruit de nos triſtes amours :
S’il paſſe juſqu’à vous, prenez ſoin de ſes jours ;
Qu’il faſſe quelquefois reſſouvenir ſon père
Du malheureux amour qu’avait pour lui ſa mère.
Juge de quel ſuccès ſes ſoins furent ſuivis ;
Je retins à la fois ſon billet & ſon fils.
Je voulus étouffer ce monſtre en ſa naiſſance :
Mais mon cœur plus prudent l’adopta par vengeance ;
Et, méditant dès lors le plus affreux projet,
Je le fis au palais apporter en ſecret.
Un fils venait de naître à la nouvelle reine ;
Pour remplir mes projets, je le nommai Pliſthène,