Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/175

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De ces bords cependant fuyez, ſans plus attendre ;
Et, ſans vous informer d’un odieux ſecret,
Croyez-en un ami qui vous quitte à regret.
Adieu, ſeigneur, adieu : mon âme eſt ſatisfaite
D’avoir pu vous offrir une sûre retraite.
Theſſandre doit guider, au ſortir du palais,
Des pas que je voudrais n’abandonner jamais.

T H Y E S T E.

Moi fuir, prince ! Qui ? Moi ! Que je vous abandonne !
Ah ! Ce n’eſt pas ainſi que ma gloire en ordonne.
Inſtruit par vos bontés pour un ſang malheureux,
Je n’en trahirai point l’exemple généreux.
Accablé des malheurs où le deſtin me livre,
Je veux mourir en roi, ſi je ne puis plus vivre.
Laiſſez-moi près de vous : je ne puis vous quitter.
De noirs preſſentiments viennent m’épouvanter ;
Je ſens à chaque inſtant que mes craintes redoublent,
Que pour vous, en ſecret, mes entrailles ſe troublent :
Je combats vainement de ſi vives douleurs ;
Un pouvoir inconnu me fait verſer des pleurs.
Laiſſez-moi partager le ſort qui vous menace.
Au courroux du tyran la tendreſſe a fait place ;
Les noms de fils pour lui ſont des noms ſuperflus ;
Et ce n’eſt pas ſon ſang qu’il reſpecte le plus.