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P R É F A C E.

pardonneroient pas. Si on retranchoit de nos pièces tout ce qu’il y a d’inutile, nous mourrions de frayeur à l’aſpect du ſquelette : que de diſſertations, que de métaphyſique ſur les effets des paſſions que leurs ſeuls mouvemens développeroient de reſte, ſi nous nous attachions purement et ſimplement à l’action que nous interrompons ſans ceſſe par des réflexions qui refroidiſſent également la pièce, le ſpectateur & l’acteur ? A propos de paſſion, me ſera-t-il permis de dire ici deux mots en faveur de l’amour qu’une morale renouvelée, car elle n’a point le mérite de la nouveauté, veut bannir de la Tragédie ? Je ne crains pas qu’on ſoupçonne de partialité ſur cet article, un homme que l’on n’a point accuſé juſqu’ici d’être fort doucereux. Le poëme tragique, ſupposé que je le connoiſſe bien, eſt, pour ainſi dire, le rendez-vous de toutes les paſſions ; pourquoi en chaſſerions-nous l’amour, qui eſt ſouvent le mobile de toutes les paſſions enſemble ? Les cœurs nés ſans amour ſont des êtres de raiſon ; & je ne vois pas en quoi l’amour, nommément dit, peut dégrader le héros et l’honnête homme. Sophocle & Euripide,

Tome I.
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