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fol eſpoir de pouvoir les couvrir ſi bien qu’on ne s’en doutera ſeulement pas : ſi des amis clair-voyans nous en font apercevoir, nous répondons avec vivacité que pour ôter ce défaut prétendu, il faudroit refondre toute la pièce ; que Corneille & Racine ſont pleins de ces fautes. Mais ſi à la fin on parvient à nous faire ouvrir les yeux, alors, pour concilier le ſentiment de nos amis avec notre amour-propre, nous employons plus d’eſprit, d’art & de temps pour pallier ce défaut, qu’il ne nous en auroit fallu pour faire deux nouveaux actes. Une autre erreur auſſi dangereuſe pour le moins, c’eſt de prétendre qu’un défaut qui produit de grandes beautés, ne doit pas être compté pour un défaut : je ne l’en trouve, moi, que plus énorme ; dès qu’on eſt capable d’enfanter de grandes beautés on ne peut leur donner une ſource trop pure. Qu’arrive-t-il enfin ? les défauts percent, & ſont ſaisis par le public à qui rien n’échappe, & on ne manque pas de ſe récrier contre ſa dureté. Nous avons tort, l’indulgence du public va juſqu’à l’extrême patience ; ſon amour pour les ſpectacles lui fait paſſer bien des choſes que nos plus zélés partiſans ne nous

pardonneroient