Non, ne me peignez rien ; effacez ſeulement
Les traits trop bien gravés d’un malheureux amant,
D’une injuſte fierté trop conſtante victime,
Dont un père inhumain fait ici tout le crime,
Toujours prêt lu défendre un ſang infortuné
Aux caprices du ſort longtemps abandonné.
On vient. Hélas ! C’eſt lui. Que mon âme éperdue
S’attendrit & s’émeut à cette chère vue !
Dieux, qui voyez mon cœur dans ce triſte moment,
Ai-je aſſez de vertu pour perdre mon amant ?
Pénétré d’un malheur où mon cœur s’intéreſſe,
M’eſt-il enfin permis de revoir ma princeſſe ?
Si j’en crois les apprêts qui ſe font en ces lieux,
Je puis donc ſans l’aigrir m’offrir à ſes beaux yeux !
Quelque prix qu’on prépare au feu qui me dévore,
Malgré tout mon eſpoir, que je les crains encore !
Dieux ! Se peut-il qu’Électre, après tant de rigueurs,
Daigne choiſir ma main pour eſſuyer ſes pleurs ?
Eſt-ce elle qui m’élève à ce comble de gloire ?
Mon bonheur eſt ſi grand, que je ne le puis croire.