Les Dieux voudraient en vain ne ménager que moi :
Eh ! Frapper tout ſon peuple, eſt-ce épargner un roi ?
Hélas ! Pour me remplir de douleurs & de craintes,
Pour accabler mon cœur des plus rudes atteintes,
Il ſuffirait des cris de tant d’infortunés,
Aux maux les plus cruels chaque jour condamnés :
Et c’eſt moi cependant, c’eſt leur roi ſacrilège
Qui répand dans ces lieux l’horreur qui les aſſiège !
Je ne gémirais point ſur leur deſtin affreux,
Si le ciel était juſte autant que rigoureux.
Mais ce n’eſt pas le ciel, c’eſt moi qui les foudroie :
Juge de quels remords je dois être la proie.
Quels regrets, quand je vois mes peuples malheureux
Craindre pour moi les maux que j’attire ſur eux ;
Prier que pour eux ſeuls le ciel inexorable
Porte loin de leur roi le coup qui les accable !
Quoi ! Seigneur, vous ſeriez l’auteur de tant de maux !
Et de vous ſeul la Crète attendrait ſon repos !
Quoi ! Des Dieux irrités ce peuple la victime…
L’eſt moins de leur courroux, qu’il ne l’eſt de mon crime.
Cet aveu te ſurprend. A peine croirais-tu,