Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voulez-vous, n’écoutant qu’un tranſport furieux,
Faire couler ſans fruit un ſang ſi précieux ?
Eh ! Qui de nous, hélas ! Témoin du ſacrifice,
Voudra de votre mort rendre ſa main complice ?
Qui, prêt à ſe baigner dans le ſang de ſon roi,
Voudrait charger ſa main de cet horrible emploi ?
Qui de nous contre lui n’armerait pas la ſienne ?

I D O M É N É E.

Je le ſais, & n’attends ce coup que de la mienne.

S O P H R O N Y M E.

Eh bien ! Avant ce coup, de cette même main
Plongez-moi donc, ſeigneur, un poignard dans le ſein.
Dût retomber ſur moi le tranſport qui vous guide,
Je ne ſouffrirai point ce affreux parricide.
Nulle crainte en ce jour ne ſaurait m’émouvoir,
Lorſqu’il faut vous ſauver de votre déſespoir.
Je ne vous connais plus ; le grand Idoménée
Laiſſe à tous ſes tranſports ſon âme abandonnée.
Ce héros rebuté d’avoir tant combattu,
A donc mis de lui-même un terme à ſa vertu !
Jetez ſur vos ſujets un regard moins ſévère :
Ils vous ont appelé du nom ſacré de père ;
De cet auguſte nom dédaignant tous les nœuds,
Avez-vous condamné vos ſujets malheureux ?
Abandonnerez-vous ce peuple déplorable,