Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/92

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Que votre mort va rendre encor plus miſérable ?
Que lui deſtinez-vous par ce cruel trépas,
Qu’un coup de déſespoir qui ne le ſauve pas ?

I D O M É N É E.

Tu juges mal des Dieux ; leur courroux équitable
S’apaiſera bientôt par la mort du coupable :
Je vais enfin, pour prix de ce qu’ils ont ſauvé,
Rendre à ces mêmes Dieux ce qu’ils ont conſervé.
Mon cœur purifié par le feu des victimes,
Mettra fin à vos maux, mettant fin à mes crimes.
Je ſens même déjà dans ce cœur s’allumer
L’ardeur du feu ſacré qui le doit conſumer.
Chaque pas, chaque inſtant qui retarde mon zèle,
Plonge de mes ſujets dans la nuit éternelle.
Ne m’oppoſe donc plus d’inutiles diſcours ;
Facilite plutôt le trépas où je cours.
Veux-tu, par les efforts que ton amitié tente,
Conduire le couteau dans le ſein d’Idamante ?
Si je pouvais, hélas ! L’immoler en ce jour,
Je croirais l’immoler moins aux Dieux qu’à l’amour.
Qu’il règne : que ſa tête aujourd’hui couronnée,
Redonne à Sophronyme un autre Idoménée :
Que mon fils, à ſon tour aſſuré ſur ta foi,
Retrouve dans tes ſoins tout ce qu’il perd en moi :
Que par toi tous ſes pas tournés vers la ſagesse