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T r a g é d i e.

Et tout muets qu’ils ſont, ces marbres généreux
Ne m’en diſent pas moins qu’il faut l’être autant qu’eux.
Rome ne me doit rien, & je lui dois la vie.

P R O B U S.

Ainſi vous ſouffrirez qu’elle ſoit aſſervie ;
Qu’un peuple qui vous a nommé ſon protecteur,
Soit réduit à chercher un autre défenſeur.
En vain, fondant ſur vous ſa plus chère eſpérance,
Rome vous élevait à la toute-puiſſance :
J’entrevois dans le cœur d’un fier patricien,
Les foibleſſes de cœur d’un obſcur plébéien ;
Et c’eſt Catilina, qui ſeul ici protège
Un reſte de Sénat impur & ſacrilège,
Un tas d’hommes nouveaux, proſcrits par cent decrets,
Que l’orgueilleux Sylla dédaigna pour ſujets !
Diſparu dans l’abyme où ſon orgueil le plonge,
Les grandeurs du Sénat ont paſſé comme un ſonge :
Non, ce n’eſt plus ce corps digne de nos autels,
Où les Dieux opinoient à côté des mortels ;
De ce corps avili Minerve s’eſt bannie,
A l’aſpect de leur luxe & de leur tyrannie ;
On ne voit que l’or ſeul préſider au Sénat,
Et de profanes voix fixer le Conſulat.
Enfin, Rome n’eſt plus, ſans le ſecours d’un maître.
Eh qui d’eux, plus que vous, ſeroit digne de l’être ?

Tome II.
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