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C a t i l i n a.

Allez, ſongez, Madame, à ſauver la patrie,
C’eſt des jours d’un ingrat prendre trop de ſouci,
Et l’amour n’a plus rien à démêler ici.


S C E N E   V I.
C A T I L I N A ſeul.

Qu’aurois-je à redouter d’une femme infidèle ?
Où ſeront ſes garants ? & d’ailleurs, que ſait-elle ?
Quelques vagues projets dont l’imprudent Caton
Nourrit depuis long temps la peur de Cicéron ;
Projets abandonnés, mais dont ma politique,
Par leur illuſion, trompe la République,
Sait de ce vain fantôme occuper le Sénat,
L’effrayer d’un faux bruit, ou d’un aſſaſſinat,
Et ne lui laiſſer voir que des mains meurtrières,
Tandis qu’un grand deſſein échappe à ſes lumières.
Maître de mes ſecrets, j’ai pénétré les ſiens,
Et Lentulus lui-même ignore tous les miens.
De cent mille Romains armés pour ma querelle,
Aucun ne ſe connoît, tous combattront pour elle.
De l’un des deux Conſuls je me ſuis aſſuré ;
Plus que moi contre l’autre Antoine eſt conjuré ;