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C a t i l i n a.

L’impétueux Caton murmure, tonne, éclate,
Trouble tout pour ſervir un Conſul qui le flatte.
Devenu du Sénat & l’idole & l’eſpoir,
Cicéron eſt armé du ſouverain pouvoir :
Le Sénat qui ſur lui redoute une entrepriſe,
Pour mettre ſon héros à couvert de ſurpriſe,
De l’ordre équeſtre entier le fait accompagner ;
Puiſqu’on ne peut le perdre, il faut donc le gagner.
Pour le faire périr il faut la force ouverte ;
Mais ce ſeroit ſans fruit travailler à ſa perte.
Un hymen prétendu peut calmer ſes frayeurs ;
Et cet hymen devient l’objet de vos fureurs !
Plus de raiſon alors, & la fière Fulvie
Expoſe un nom célèbre au mépris de Tullie,
Se couvre ſans rougir d’un vil déguiſement !
Pourquoi ce deshonneur ? pour perdre ſon amant.
Ah Madame ! ce cœur dont j’ai plaint la tendreſſe,
De l’habit qui vous cache a-t-il pris la baſſeſſe ?
Dans quel ſein dépoſer des ſecrets dangereux,
Si le cœur d’une amante eſt un écueil pour eux ?
Vit-on jamais l’amour, dans ſa plus noire ivreſſe,
Emprunter du dépit une langue traîtreſſe ?

F U L V I E.

Qui donc ai-je trahi, Miniſtre ambitieux ?
Et quelle foi doit-on à des ſéditieux ?