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Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/537

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STANCES


Jupiter, s’il est vray que tu fusse amoureux,
Quand ton poil de toreau deceut une pucelle,
Que tu pouvois te dire à bon droit bien-heureux,
Portant dessus le dos une charge si belle !

Dans l’eau que tu fendois d’un pied souple et leger,
L’heur si prest d’arriver t’enflammoit la pensée ;
Et l’Amour te faisoit oublier de nager
Pour voir ce que monstroit sa cotte retroussée.

Mais quel heur de ce dieu me pourroit égaler,
Si las ! en quelque forme ou vraye ou contrefaite,
Par la faveur d’Amour je vous pouvois voler,
Vous qui trop plus qu’Europe estes belle et parfaite ?

Ah ! non, je ne voudroy vers vous me déguiser,
Et rendre en vous trompant ma grand’ flame amortie !
Or ne vous faschez donc si j’ose vous baiser,
Et si, troublé d’Amour, je pers la modestie[1].


ODE


Quand tu ne sentirois aucun feu d’amitié,
Quand tu ne connoistrois ny devoir ny pitié,
Quand tu serois conceuë aux flancs d’une lyonne,
Quand tu aurois le cœur d’une froide colonne,
Tu ne pourrois souffrir de me voir en ce point
Transir de grand’ froidure ;
Car, l’ayant veu venir, je n’ay pris qu’un pourpoint
Pour toute couverture.

N’ois-tu les aquilons soufflans horriblement,
Qui font par leur effort mouvoir ce tremblement ?
N’entens-tu point Caurus qui donne à la traverse,
Et sens dessus dessous toute chose renverse ?
Les forests en font bruit, où superbe il combat
Contre les souches fortes.
N’ois-tu pas bien aussi le terrible debat
Des fenestres et portes ?

La neige couvre tout, tout est pavé de blanc ;
L’excessive froideur m’a tout gelé le sang,
Je ne puis plus parler tant la glace me serre ;

  1. Ces stances sont imitées ou traduites d’un morceau de Copeta, qui débute par ce vers :
    Chiamar beato è dio ben si potea, etc.