Page:Œuvres de Robespierre.djvu/193

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et, en dernier résultat, la liberté de la presse ne sera que le fléau du vice et de l’imposture, et le triomphe de la vertu et de la vérité.

Le dirai-je enfin ! ce sont nos préjugés, c’est notre corruption qui nous exagère les inconvénients de ce système nécessaire. Chez un peuple où l’égoïsme a toujours régné, où ceux qui gouvernent, où la plupart des citoyens qui ont usurpé une espèce de considération où de crédit, sont forcés à s’avouer intérieurement à eux-mêmes qu’ils ont besoin non-seulement de l’indulgence, mais de la clémence publique, la liberté de la presse doit nécessairement inspirer une certaine terreur, et tout système qui tend à la gêner, trouver une foule de partisans qui ne manquent pas de le présenter sous les dehors spécieux du bon ordre et de l’intérêt public.

À qui appartient-il plus qu’à vous, législateurs, de triompher de ce préjugé fatal qui ruinerait et déshonorerait à la fois votre ouvrage ? Que tous ces libelles répandus autour de vous par les factions ennemies du peuple ne soient point pour vous une raison de sacrifier aux circonstances du moment les principes éternels sur lesquels doit reposer la liberté des nations. Songez qu’une loi sur la presse ne réparerait point le mal, et vous enlèverait le remède. Laissez passer ce torrent fangeux, dont il ne restera bientôt plus aucune trace, pourvu que vous conserviez cette source immense et éternelle de lumières qui doit répandre sur le monde politique et moral la chaleur, la force, le bonheur et la vie. N’avez-vous pas déjà remarqué que la plupart des dénonciations qui vous ont été faites étaient dirigées, non contre ces écrits sacrilèges où les droits de l’humanité sont attaqués, où la majesté du peuple est outragée, au nom des despotes, par des esclaves lâchement audacieux ; mais contre ceux que l’on accuse de défendre la cause de la liberté avec un zèle exagéré et irrespectueux envers les despotes ? n’avez-vous pas remarqué qu’elles vous