Page:Œuvres de Robespierre.djvu/216

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nommé leur intérêt particulier l’intérêt général, et pour assurer le succès de cette prétention, ils se sont emparés de toute la puissance sociale. Et nous ! ô faiblesse des hommes ! nous qui prétendons les ramener aux principes de l’égalité et de la justice, c’est encore sur ces absurdes et cruels préjugés que nous cherchons, sans nous en apercevoir, à élever notre constitution !

Mais quel est donc, après tout, ce rare mérite, de payer un marc d’argent ou toute autre imposition à laquelle vous attachez de si hautes prérogatives ? Si vous portez au trésor public une contribution plus considérable que la mienne, n’est-ce pas par la raison que la société vous a procuré de plus grands avantages pécuniaires ! Et, si nous voulons presser cette idée, quelle est la source de cette extrême inégalité des fortunes qui rassemble toutes les richesses en un petit nombre de mains ? Ne sont-ce pas les mauvaises lois, les mauvais gouvernements, enfin tous les vices des sociétés corrompues ? Or, pourquoi faut-il que ceux qui sont les victimes de ces abus soient encore punis de leur malheur par la perte de la dignité de citoyens ? Je ne vous envie point le partage avantageux que vous avez reçu, puisque cette inégalité est un mal nécessaire ou incurable : mais ne m’enlevez pas du moins les biens imprescriptibles qu’aucune loi humaine ne peut me ravir. Permettez même que je puisse être fier quelquefois d’une honorable pauvreté, et ne cherchez point à m’humilier par l’orgueilleuse prétention de vous réserver la qualité de souverain, pour ne me laisser que celle de sujet.

Mais le peuple !… mais la corruption ! Ah ! cessez, cessez de profaner ce nom touchant et sacré du peuple, en le liant à l’idée de corruption. Quel est celui qui, parmi des hommes égaux en droits, ose déclarer ses semblables indignes d’exercer les leurs pour les en dépouiller à son profit ! Et certes, si vous vous permettez de fonder une pareille condamnation sur des présomptions de corruptibilité, quel