Page:Œuvres de Robespierre.djvu/224

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votre pouvoir, puisque votre pouvoir n’est que celui de vos commettants. En portant de pareils décrets vous n’agiriez pas comme représentants de la nation ; vous agiriez directement contre ce titre : vous ne feriez point de lois ; vous frapperiez l’autorité législative dans son principe. Les peuples mêmes ne pourraient jamais ni les autoriser ni les adopter, parce qu’ils ne peuvent jamais renoncer ni à l’égalité, ni à la liberté, ni à leur existence comme peuple, ni aux droits inaliénables de l’homme. Aussi, messieurs, quand vous avez formé la résolution, déjà bien connue, de les révoquer, c’est moins parce que vous en avez reconnu la nécessité, que pour donner à tous les législateurs et à tous les dépositaires de l’autorité publique un grand exemple du respect qu’ils doivent aux peuples, pour couronner tant de lois salutaires, tant de sacrifices généreux, par le magnanime désaveu d’une surprise passagère, qui ne changea jamais rien ni à vos principes, ni à votre volonté constante et courageuse pour le bonheur des hommes.

Que signifie donc l’éternelle objection de ceux qui vous disent qu’il ne vous est permis dans aucun cas de changer vos propres décrets ? Comment a-t-on pu faire céder à cette prétendue maxime cette règle inviolable, que le salut du peuple et le bonheur des hommes est toujours la loi suprême, et imposer aux fondateurs de la constitution française celle de détruire leur propre ouvrage, et d’arrêter les glorieuses destinées de la nation et de l’humanité entière, plutôt que de réparer une erreur dont ils connaissent tous les dangers. Il n’appartient qu’à l’être essentiellement infaillible d’être immuable : changer est non seulement un droit, mais un devoir pour toute volonté humaine qui a failli. Les hommes qui décident du sort des autres hommes sont moins que personne exempts de cette obligation commune. Mais tel est le malheur d’un peuple qui passe rapidement de la servitude à la liberté, qu’il transporte,