Page:Œuvres de Schiller, Esthétiques, 1862.djvu/239

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est,» elle décide pour toujours et à tout jamais, et la validité de sa décision est garantie par la personnalité elle-même, qui brave tout changement. L’inclination peut dire seulement : « Cela est bon pour ton individu et pour ton besoin actuel ; » mais ton individu et ton besoin actuel, le cours changeant des choses les emportera, et ce que tu désires ardemment aujourd’hui, il en fera quelque jour l’objet de ton aversion. Mais, lorsque le sentiment moral dit: «Cela doit être,» il décide pour toujours et à jamais. Si tu confesses la vérité, parce qu’elle est la vérité, et si tu pratiques la justice, parce qu’elle est la justice, tu as fait d’un cas particulier la loi de tous les cas possibles, et traité un moment de ta vie comme l’éternité.
En conséquence, lorsque l’impulsion formelle exerce le pouvoir, et que l’objet pur agit en nous, l’être acquiert sa plus haute expansion, toutes les barrières disparaissent, et de l’unité de grandeur dans laquelle le renfermait l’étroite sensibilité, l’homme s’élève à une unité d’idée, qui embrasse et se subordonne la sphère totale des phénomènes. Durant cette opération, nous ne sommes plus dans le temps, mais c’est le temps qui est en nous avec sa succession infinie. Nous ne sommes plus individus, mais espèce ; le jugement de tous les esprits est exprimé par le nôtre, et le choix de tous les cœurs est représenté par notre acte.