l’âge le plus avancé de l’humanité. L’application prématurée de cette grande mesure pourrait aisément exposer l’historien à la tentation de faire violence aux faits, et par là de reculer de plus en plus, en voulant la hâter, cette heureuse époque pour l’histoire universelle. Mais on ne peut trop tôt appeler l’attention sur ce côté lumineux, et pourtant si négligé, de l’histoire du monde, par lequel elle se rattache au plus haut objet des efforts humains. La vue, sans plus, de ce but, à ne le considérer que comme possible, ne peut manquer d’être pour un bon esprit, dans ses laborieuses recherches, un aiguillon qui l’anime et une douce récréation. Le moindre effort lui paraîtra important, s’il se voit en bon chemin ou fraye la route, ne fût-ce qu’à un très lointain successeur, pour résoudre le problème de l’ordre du monde et rencontrer l’esprit suprême dans sa plus belle manifestation.
Traitée de cette façon, messieurs, l’étude de l’histoire universelle vous sera une occupation aussi attrayante qu’utile. Elle portera la lumière dans votre intelligence et un salutaire enthousiasme dans votre cœur. Elle déshabituera votre esprit de la vue étroite et vulgaire des choses morales, et, en déroulant devant vos yeux le grand tableau des temps et des peuples, elle corrigera les décisions précipitées du moment et les jugements bornés de l’égoïsme. En habituant l’homme à se mettre en rapport, comme partie de l’ensemble, avec tout le passé, et à s’avancer dans le lointain avenir par ses conjectures, elle lui cache les limites de la naissance et de la mort, qui enferment et resserrent si étroitement la vie de l’homme ; elle étend, par une illusion d’optique, sa courte existence en un espace infini, et substitue insensiblement l’espèce à l’individu.
L’homme se transforme et disparaît de la scène ; ses opinions disparaissent et se transforment avec lui ; l’histoire seule demeure sans interruption sur le théâtre, citoyenne immortelle de toutes les nations et de tous les temps. Comme le Jupiter d’Homère, elle abaisse un regard également serein sur les travaux sanglants de la guerre et sur les peuple paisibles qui se nourrissent innocemment du lait de leurs troupeaux. Quelque irrégulière que soit l’action que la liberté de l’homme paraît exercer sur la marche de ce monde, l’histoire considère avec calme