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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/251

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LE PLONGEUR. 221 qu’au ciel ; les flots, sans fin, se pressent, succédant aux flots, et, avec le fracas du tonnerre lointain, l’eau s’élance en rugissant du fond ténébreux. Mais, voyez ! du sein des sombres vagues, s’élève un objet blanc comme un cygne, un bras se découvre, puis un cou éblouissant.... Il nage avec force, avec une ardeur constante. C’est lui.... et en l’air, de la main gauche, il agite la coupe, avec des gestes joyeux. Il respira longtemps , respira à longs traits, et salua la lumière céleste. Avec transport, l’un criait à l’autre : « Il vit ! le voilà ! le gouffre ne l’a point gardé ! De ce tombeau, de cet antre aux flots tournoyants, l’intrépide a sauvé son âme vivante. » Il s’avance, entouré de la foule triomphante, tombe aux pieds du roi, et lui présente à genoux la coupe. Le roi fait un signe à sa fille charmante, qui la remplit jusqu’au bord d’un vin brillant, et alors, le jeune homme s’adressant au roi : « Vive longtemps le roi ! dit-il. Heureux qui respire ici à cette lumière rose et douce ! Mais là , sous les eaux , tout est affreux ! Ah ! que l’homme ne tente pas les dieux. Que jamais, jamais il ne désire de contempler ce que, dans leur clémence, ils enveloppent de ténèbres et d’horreur ! « Comme je descendais, entraîné avec la promptitude de l’éclair, soudain, du creux d’un rocher, une source impétueuse jaillit sur moi à bouillons fougueux. La violence furieuse du double courant me saisit, et me tordant, en proie au vertige, me fait pirouetter comme une toupie : je ne pouvais résister. «Là, Dieu, que j’invoquai dans l’horreur de ce péril extrême, me montra une pointe de rocher, qui s’élevait du fond. Je la saisis rapidement, et j’échappai à la mort. Là aussi était suspendue la coupe à des branches aiguès de corail ; sans quoi elle serait tombée dans l’abîme sans fond.