Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/274

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au doute n’est pas claire et distincte. Par exemple quelqu’un qui n’a jamais eu la pensée occupée de l’illusion des sens — si elle vient de l’expérience ou a une autre origine — ne doutera jamais si le soleil est plus grand ou plus petit qu’il ne paraît. C’est ainsi que les paysans s’étonnent maintes fois, quand ils entendent dire que le soleil est beaucoup plus grand que le globe terrestre ; mais[1]. le doute prend naissance en pensant à l’illusion des sens, et si, après avoir douté, on parvient à la connaissance vraie des sens et de la façon dont, par leurs organes, les choses sont représentées à distance, alors le doute sera de nouveau levé. Il suit de là que nous ne pouvons mettre en doute des idées vraies sous prétexte qu’il existe peut-être un Dieu trompeur qui nous tromperait dans les choses les plus certaines, sinon quand nous n’avons encore de Dieu[2] aucune idée claire et distincte, c’est-à-dire quand, par la considération attentive de la connaissance que nous avons de l’origine de toutes choses, nous ne trouvons rien qui nous fasse savoir que Dieu n’est pas trompeur aussi clairement que, par la considération attentive de la nature du triangle, nous trouvons que ses trois angles sont égaux à deux droits ; mais, si nous avons de Dieu une connaissance telle que du triangle, alors tout doute est levé. Et, de même que nous pouvons parvenir à cette connaissance claire

  1. ✶✶C’est-à-dire le sens sait souvent qu’il a été trompé ; mais il le sait confusément, car il ne sait pas comment les sens trompent.
    ** Cette note est dans la traduction hollandaise, jointe au texte qui se lirait ainsi : mais le doute prend naissance en pensant à l’illusion des sens, c’est-à-dire que le sens sait souvent, etc.
  2. J’ajoute au texte latin le mot Dei, de Dieu ; correction faite par la traduction hollandaise de 1677 et d’ailleurs nécessaire au sens, voir note explicative.