Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/273

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et cette origine ne peut être conçue par l’entendement comme plus étendue qu’elle n’est réellement ; elle n’a d’ailleurs aucune ressemblance avec des choses soumises au changement ; aucune confusion n’est donc à craindre au sujet de son idée, pourvu que nous possédions la norme de la vérité (que nous avons déjà indiquée) ; l’être dont il s’agit est unique[1] en effet, infini, c’est-à-dire qu’il est l’être total hors duquel il n’y a pas d’être[2].

(43) Voilà pour l’idée fausse ; il nous reste à étudier l’Idée Douteuse, c’est-à-dire à chercher en quoi consiste ce qui peut nous conduire au doute et, en même temps, comment le doute est levé. Je parle du doute véritable dans l’esprit et non de ce doute qui se rencontre maintes fois : à savoir quand, par le langage, on prétend douter, bien que l’esprit ne doute pas ; ce n’est pas à la Méthode qu’il appartient de corriger ce doute, cela rentre plutôt dans l’étude de l’obstination et de son traitement. Il n’y a pas dans l’âme, disons-nous donc, de doute dû à la chose même dont on doute, c’est-à-dire s’il n’y avait dans l’âme qu’une seule idée, qu’elle fût vraie ou fausse, il n’y aurait place pour aucun doute et pour aucune certitude ; il n’y aurait qu’une sensation de telle ou telle sorte. Car cette idée n’est en soi rien de plus qu’une sensation de telle ou telle sorte, mais le doute se forme par le moyen d’une autre idée qui n’est pas si claire et distincte qu’on en puisse rien conclure de certain à l’égard de la chose dont on doute, c’est-à-dire que l’idée qui nous incline

  1. Ce ne sont point là des attributs de Dieu qui manifestent son essence, comme je le montrerai dans la Philosophie.
  2. Cela a déjà été démontré ci-dessus. Si en effet un tel être n’existait pas, il ne pourrait jamais être produit ; et ainsi l’esprit pourrait connaitre plus que la Nature ne peut fournir, ce qui a déjà été reconnu faux ci-dessus.