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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/116

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TRAITÉ

étrangers (Samuel, liv. I, chap. xxvi, vers. 19). Enfin Moïse croyait que l’Être suprême ou Dieu avait sa demeure dans les cieux (Deutéron., chap. xxxiii, vers. 27), opinion très-répandue parmi les païens.

Si maintenant nous examinons les révélations de Moïse, nous trouverons qu’elles furent accommodées à ses opinions. Croyant, en effet, Dieu assujetti aux conditions dont nous avons parlé, la miséricorde, la bonté, etc., Dieu se révèle à lui sous ces attributs et conformément à cette croyance (voyez Exode, chap. xxxiv, vers. 6, 7, où se trouve le récit de l’apparition de Dieu à Moïse ; et le Décalogue, vers. 4, 5). Dans le récit du chap. xxx, vers. 18, Moïse demande à Dieu qu’il lui permette de le voir. Or, comme Moïse, ainsi qu’on l’a déjà dit, n’avait dans son cerveau aucune image de Dieu, et que Dieu ne se révèle (cela est démontré ci-dessus) à ses prophètes que selon la disposition de leur imagination, Dieu n’apparut à Moïse sous aucune image ; et il en arriva ainsi, parce que Moïse était incapable d’en former aucune. Les autres prophètes, en effet, déclarent qu’ils ont vu Dieu : par exemple, Isaïe, Ézéchiel, Daniel, etc. Dieu répond donc à Moïse : « Tu ne pourras voir ma face. » Et comme Moïse était persuadé que Dieu était visible, c’est-à-dire qu’il n’y avait rien dans sa nature qui l’empêchât de l’être (autrement il n’aurait pas demandé à voir Dieu), Dieu ajouta : « Car nul mortel ne peut vivre après m’avoir vu. » La raison qu’il donne pour ne pas être vu est donc d’accord avec l’opinion que Moïse s’était formée de sa nature. Car il n’est pas dit qu’il y ait contradiction à ce que la nature divine devienne visible, mais seulement que la chose est impossible à cause de la fragilité de l’homme. On peut remarquer encore que Dieu, pour révéler à Moïse que les Israélites, en adorant un veau, s’étaient rendus semblables aux autres nations, lui dit (chap. xxxiii, vers. 2, 3) qu’il enverra un ange aux Hébreux, c’est-à-dire un être qui prenne soin d’eux à sa place, ne voulant plus, quant à lui, être au milieu d’eux ; de cette façon, en effet,